HIVER POOL
A l’heure où le soleil s’effondre dans la mer, les terres du haut virent au violet, couchant sous le vent l’ail sauvage et la fière giroflée… C’est l’heure mauve, l’instant délicat et fragile où tout se joue, et pour longtemps. Hiver Pool est né là, quelque part entre les landes et les murets de pierre sèche. On y entendait une guitare légère et une voix fraîche, quelque chose d’un peu nouveau où affleurait l’amour des choses bien faites : une ou deux machines assez organiques, une humeur complice et baladeuse, des esprits forts, une plume singulière, et au bout, l’amour tout court.
Deux ans plus tard, Martial et Delphine ont laissé grandir en eux l’envie d’écrire leur propre histoire, au gré des rencontres et du hasard. Bonne idée. Un soir de concert à Aurillac, autre terre rude et sans artifices, Thomas Fersen les approche. L’auteur génial du Bal des Oiseaux leur offre la clé qui manquait, en les confiant aux bons soins du studio Kerwax, écrin breton idéal pour donner la vie à un nouvel Ep. Livrés à l’art simple et délicat du tout analogique, dans les mains expertes de Christophe Chavanon (vu avec Fersen et Rover, s’il vous plait), les 5 nouveaux titres d’Hiver Pool se teintent de la chaleur et de la brûlante intimité des lampes et des rubans, des bandes et du bois sec. Les textes, pierre angulaire d’une œuvre décidément à part dans l’uniforme de la chanson pop, respirent d’une toute autre ampleur. Derrière la console, Christophe Chavanon saisit très vite la dimension poétique du propos, et n’hésite pas à co- réaliser, en mettant en première ligne une écriture peu commune, lyrique et envoûtante, joyeuse et inspirée.
N’allez pas vous en étonner, on ne trouve rien de tendance chez Hiver Pool, car rien ne se démode aussi vite que la mode. Le style, ah, le style, lui, est bien là. Chansons parfaites, arrangements et belles tournures comme chez Belin et Holden, plume taillée chez Gainsbourg (il aurait adoré la tournure), ambiances d’époque, et voilà Hiver Pool installé pour de bon entre l’amour courtois et les joutes mystérieuses de Melody Nelson, un savant parcours élaboré ici, en Auvergne.
« On a beaucoup de chance », se plaisent-ils à répéter. En attendant un album en fin d’année, le duo (et trio sur scène) accumule concerts et résidences, et bâtit patiemment une œuvre légèrement pop, profondément littéraire, à l’image de leur vie, de leurs envies, de leur amour.
Et vous, vous faut-il autre chose pour succomber ?
Hervé Deffontis